La révolution bolivarienne peutelle survivre à la crise au Venezuela?
Une des réalisations les plus importantes du gouvernement chaviste du Venezuela a peut-être été de créer un espace dans lequel la Révolution Bolivarienne a pu s’épanouir. Mais cette révolution peut-elle survivre à la crise actuelle?
Au Venezuela, les regards des médias et des commentateurs sont tournés vers la bataille pour la Présidence, avec d’un côté le president légitime Nicolás Maduro et de l’autre le Président de l’Assemblée Nationale Juan Guaidó, chef d’état autoproclamé et soutenu par les USA. Les craintes d’une intervention états-unienne ou d’une guerre civile sont largement répandues, tandis que les sanctions criminelles imposées par des puissances étrangères – en particulier les USA -, combinées à la corruption et la mauvaise gestion du gouvernement, ont dévasté l’économie nationale.
L’état lamentable de l’économie vénézuélienne est souvent présenté par les experts de droit comme illustrant l’échec des gouvernements socialistes chavistes du pays qui dirigent le Venezuela depuis 20 ans. Mais cette analyse superficielle ignore à la fois le rôle joué par les puissances internationales dans leurs efforts pour écraser l’expérience socialiste radicale qui s’est enracinée au Venezuela, ainsi que les conquêtes historiques de la Révolution Bolivarienne sur les plans de la réduction de la pauvreté, de l’éducation, de la diminution de l’inégalité, du logement, de la démocratisation radicale du pays de bas en haut, et encore davantage.
Afin de nous concentrer sur d’autres thématiques que la bataille pour le trône présidentiel, nous avons demandé à un groupe d’experts internationaux de partager leurs réflexions sur les chances de survie de cette réalisation admirable, essentielle, et enthousiasmante du peuple vénézuélien qu’est la Révolution Bolivarienne. En s’exprimant au sein des communes agricoles et urbaines, des coopératives ouvrières, des mouvements sociaux et des conseils locaux, le processus révolutionnaire bolivarien existait de nombreuses années avant les gouvernements chavistes, et la question-clé aujourd’hui est de savoir s’il peut leur survivre.
Les réponses ci-dessous considèrent la Révolution Bolivarienne et la crise vénézuélienne selon des angles différents, et arrivent à des conclusions différentes – dont certaines peuvent ne pas représenter la position de ROAR sur le sujet. Nous présentons ces perspectives variées en faisant l’hypothèse que la lectrice ou le lecteur critique et intelligent sera capable de forger sa propre opinion quant à l’interprétation qu’elle ou il jugera la plus convaincante, et quant à la position avec laquelle s’aligner.
Nous remercions Sujatha Fernandes, Richard D. Wolff, Julia Buxton, Dario Azzellini, George Ciccariello-Maher, Raúl Zibechi, Gabriel Hetland and Cira Pascual Marquina pour le temps consacré à répondre à la question suivante.
Dario Azzellini: Si en disant “révolution bolivarienne” nous parlons du gouvernement vénézuélien, la réponse n’est pas simple. Nous pouvons affirmer que celui-ci à survécu à la crise politique et économique mieux et plus longtemps que ne l’avaient espéré tous ses ennemis. Outre la chute des prix pétroliers et les propres erreurs du gouvernement, une autre cause de la crise actuelle est la pression internationale sur le Venezuela, qui va de boycotts économiques, de sanctions financières et d’une confiscation illégale de milliards de dollars en dépôt dans des banques internationales, jusqu’à des actes de sabotage perpétrés par des mercenaires et des cellules terroristes.
Au cours des 20 dernières années, tous les efforts des USA, de l’opposition vénézuélienne, de certains pays de l’UE et de l’extrême-droite latino-américaine pour arriver à un changement de régime au Venezuela ont échoué à de nombreuses reprises. La raison principale de cet échec et qu’ils ne comprennent pas ce qu’est réellement la révolution bolivarienne : un véritable mouvement et sentiment de masse vénézuélien, latino-américain et régionaliste, un espoir et une véritable utopie, inscrits profondément dans l’expérience vécue du peuple vénézuélien, des pauvres des villes, de la population rurale, des Afro-Vénézuéliens et des femmes.
C’est le processus de construction d’une société socialiste basée sur l’auto-détermination, ancré sur un système de conseils de bas en haut. Il combine des expériences communales et coopératives historiques indigènes et afro-descendantes avec différentes idées socialistes et communistes hétérodoxes, ainsi qu’avec des concepts de pouvoir populaire authentiquement latino-américains. Il s’exprime dans les conseils communaux et les communes, les initiatives visant le contrôle ouvrier, l’établissement de coopératives, le développement endogène et l’agro-écologie.
Si c’est de cela que nous parlons quand nous utilisons les mots “révolution bolivarienne,” alors il n’y a aucun doute qu’elle survivra à la crise actuelle. La relation entre les mouvements de base qui cherchent à construire un “état communal” — de la forme future idéale de l’état, selon l’ancien président Hugo Chávez — et le gouvernement a toujours oscillé entre conflit et coopération.
Les dernières années du gouvernement de Chávez et les premières années de celui de Maduro ont été marquées par des conflits croissants entre pouvoir constitué et pouvoir constituant. Ce dernier, représenté par les divers mouvements qui aspirent à un socialisme communale et coopératif, s’est intensifié, en occupant et en prenant possession de terre et d’industries, en exigeant le contrôle ouvrier dans les entreprises d’état, ainsi que plus de pouvoir pour le peuple.
Les efforts accrus des USA et de la droite vénézuélienne en faveur d’un changement de régime ont ramené la plupart de ces mouvements dans le sillage du gouvernement de Maduro, afin de défendre leurs droits et la possibilité de choisir leur propre destin.
Traduction française de l'article original: https://roarmag.org/essays/bolivarian-revolution-venezuela-crisis/
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